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Polluants éternels : dans la périphérie de Lyon, la bataille pour une eau saine s’éternise

  • 26 juin 2025
  • Marie Provot
Polluants éternels : dans la périphérie de Lyon, la bataille pour une eau saine s’éternise. (Marie Provot)
Polluants éternels : dans la périphérie de Lyon, la bataille pour une eau saine s’éternise. (Marie Provot)

Trois ans après les révélations du documentaire d’Envoyé spécial sur la présence de PFAS, des substances chimiques toxiques, dans la vallée de la chimie au sud de Lyon, certains habitants ont investi dans un système de filtration individuel pour éliminer ces polluants éternels de leur eau potable. Et ce, en attendant que les syndicats de l’eau et les pouvoirs publics soient en mesure de leur fournir d’ici à 2026 une eau conforme. 

À l’ombre, sous le store banne de la crêperie de Brindas (Rhône), au cœur des Coteaux du Lyonnais, une dizaine de personnes sont attablées. Dans cette commune de 6 000 âmes touchée, comme dans d’autres du sud-ouest lyonnais, par le scandale des PFAS, les carafes d’eau signées Filtrabio, une entreprise locale, ne passent pas inaperçues. La gérante, Julie Moreau, s’est équipée de ce système de filtration à charbon actif il y a environ un mois pour éliminer une partie des per- et polyfluoroalkylées de l’eau du robinet, alors que le taux de concentration en polluants éternels continue d’osciller autour du seuil réglementaire. 

« C’était important pour nous de trouver une solution locale. On a mis du temps à s’équiper, car c’est un budget conséquent, juge la patronne de 32 ans, qui dépense 29,90 euros par mois pour le plus petit purificateur. Mais c’est quand même mieux d’avoir de l’eau bien filtrée pour la consommation des clients. »

Dans la salle du fond, à l’abri des regards, Mireille et Gaston Plaisantin, deux habitués, dégustent leurs galettes. Ils sont « très heureux » de voir qu’un système de filtration a été installé à la sortie d’eau du robinet de la crêperie. Ils vivent à Vaugneray, à quatre kilomètres de là, et eux aussi ont choisi la solution Filtrabio pour équiper leur cuisine.

Environ 10 000 polluants éternels

En France, le scandale sanitaire des polluants éternels a éclaté le 12 mai 2022. L’émission Envoyé spécial de France Télévisions révélait « une contamination massive » de la vallée de la chimie aux PFAS, ces substances chimiques ultra-persistantes et toxiques, composées d’au moins un atome de carbone porteur de deux ou trois atomes de fluor. Elle pointait du doigt les rejets de produits fluorés déversés dans le Rhône par Arkema, une usine chimique basée à Oullins-Pierre-Bénite, en périphérie lyonnaise.

Des révélations préoccupantes étant donné que « l’exposition à certains PFAS peut avoir d’importantes conséquences sur le long terme : perturbation du fonctionnement du foie et des reins, augmentation du taux de cholestérol, effets sur la thyroïde qui joue sur le métabolisme et le développement du fœtus, diminution de la réponse vaccinale, baisse de la fertilité… Y compris à faible dose, développe Pauline Cervan, toxicologue pour l’association Générations futures. Concernant de potentiels effets cancérigènes, les salariés des industries de la chimie sont les plus exposés à ces risques. »

Le site de l’usine Arkema, spécialisée dans la fabrication de polymères fluorés, le 20 juin 2025, à Oullins-Pierre-Bénite.

En réponse à cette pollution, Pascal Mailhos, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a pris quatre arrêtés en 2022 pour imposer des contrôles et limiter, voire interdire, l’utilisation de ces substances dans les procédés industriels d’Arkema et de son voisin Daikin, spécialisé dans les systèmes de refroidissement. Dans un communiqué publié mercredi 2 juillet 2025, la préfecture a également indiqué qu’elle surveillait « depuis janvier 2025 » les TFA [des micropolluants à chaînes courtes et ultra-courtes, non réglementés en France et particulièrement répandus, ndlr], en plus des 20 autres PFAS surveillés lors des contrôles sanitaires. Pour autant, les résultats de ces contrôles ne sont pas encore consultables sur le site de l’ARS où sont mentionnées les analyses.

La réponse de la Métropole de Lyon, elle, s’est traduite en justice. Elle a assigné Arkema et Daikin devant le tribunal judiciaire de Lyon en référé-expertise. Cette action juridique doit définir la responsabilité de ces deux usines dans la contamination du puits de Ternay, au sud de Lyon, l’une des principales ressources en eau potable de la région. « On souhaite faire appliquer le principe de pollueur-payeur » car, si elles ont arrêté de rejeter des PFAS dans l’eau, « les conséquences de cette pollution ne vont pas disparaître », regrette Anne Grosperrin (Les Écologistes), vice-présidente de la métropole chargée du cycle de l’eau et présidente de la régie Eau du Grand Lyon. 

Dans une réponse détaillée, Arkema rappelle que « conformément à ses engagements, le site de Pierre-Bénite a cessé, depuis fin 2024, toute utilisation de 6:2 FTS, seul surfactant PFAS qui était encore utilisé dans son processus industriel. » Ses rejets totaux sont désormais de l’ordre de « 3 kg / mois », soit une baisse de 99 %, selon les derniers contrôles des services de l’État.

Quant à Daikin, son président Gaël Marseille assure que l’usine a toujours été « conforme à la réglementation » concernant ses rejets dans l’eau. Actuellement, ses 2 grammes de rejets par mois sont essentiellement composés de PFHxA [composé chimique qui appartient à la famille des PFAS, ndlr].

Dans le Rhône, le champ captant de Ternay [où l’on prélève l’eau souterraine d’une nappe, ndlr] fait l’objet d’un « suivi renforcé » et « d’un plan d’actions » visant à fournir une eau potable respectant le seuil européen, pointent l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes et la préfecture de région dans une réponse commune à nos questions. Mais jusqu’à présent, « aucune des différentes situations identifiées à ce jour n’a justifié la mise en place immédiate de restrictions d’usage sur l’eau du robinet. »

Certains commerçants jouent la carte
de la précaution

Pas de quoi rassurer les habitants de Brindas, qui se sentent « mal informés » et « démunis ». Comme la crêperie, d’autres commerçants de la rue du vieux bourg ont souscrit un contrat de location auprès de l’entreprise locale, Filtrabio. Parmi eux : Chez Colette, Le pressoir de Marie ou encore la Maison Ferrari. Jonathan Ferrari, le gérant de cette boulangerie, a choisi d’installer une bonbonne filtrante sur sa principale sortie d’eau il y a plus d’un an « par précaution » et pour « continuer d’offrir la meilleure qualité possible à [ses] clients ». Elle lui coûte 40,90 euros tous les mois. 

Deux systèmes de filtration différents : à gauche, la fontaine Berkey ; à droite, le plus petit purificateur d’eau de la marque Filtra bio.  Marie Provot / Lyon 2030

Dans ce contexte, les ventes de l’entreprise brindasienne, créée en 2018, ont explosé en France. Si le Rhône représente « une petite partie de nos ventes », « notre chiffre d’affaires a atteint 1,6 million en 2024, contre 950 000 en 2022 », mentionne le directeur Mickael Ferry, sans donner plus de détails.

Le recours à des systèmes de filtration individuel 

Pour diminuer la présence des PFAS dans l’eau de consommation, les solutions de « filtration à base de charbon actif sont les plus répandues, que ce soit au niveau individuel ou industriel », remarque le professeur en chimie environnementale Sébastien Sauvé.

Le collectif Ozon l’eau saine, qui documente la pollution dans la vallée de la chimie, a fait analyser l’eau potable filtrée par différents systèmes dans le laboratoire canadien de ce spécialiste des PFAS.

Plusieurs solutions de traitement ont montré une certaine efficacité, telle que la fontaine et les filtres de la marque Berkey, avec une diminution par cinq de la concentration des polluants éternels dans l’eau. Ces résultats ont convaincu Aurélien Culat, l’un des membres du collectif et habitant de Ternay. 

« L’eau potable arrive dans le bac supérieur où se trouve les deux filtres à charbon actif, puis elle descend dans la partie inférieure, une réserve de huit litres. Il suffit ensuite d’ouvrir le robinet de la fontaine », indique ce père de famille, qui a investi 400 euros dans cet équipement en 2023. « On attend que ce soit au pollueur de payer pour la pollution et non aux consommateurs », s’insurge-t-il, avant de rappeler que le jeu de filtres, d’une valeur de 180 euros, doit également être changé tous les deux ans en moyenne.

L’osmose inverse, un autre système de filtration, s’est révélé être le plus efficace pour diminuer la présence des PFAS dans l’eau, selon les analyses d’Ozon l’eau saine. Installé à Saint-Symphorien-d’Ozon, Fabien Charreton a acheté un osmoseur à 240 euros et l’a installé lui-même. Sa commune compte parmi celles alimentées par le champ captant de Ternay, où la qualité de l’eau n’est pas encore conforme à la norme européenne.

« Il élimine quasiment tous les PFAS, même les TFA contrairement au charbon actif qui ne les retire pas », rapporte ce chef d’entreprise dans l’immobilier âgé de 44 ans, qui doit débourser 380 euros en plus pour l’entretien annuel. « Par contre, ces filtres sont tellement petits qu’ils enlèvent aussi les minéraux. J’ai donc ajouté un sel reminéralisant à l’équipement. »

Chez lui, à Montréal, le professeur Sauvé s’est aussi doté d’un osmoseur. Seul bémol : « Il y a une portion d’eau contaminée par les PFAS, variant du simple au double en fonction des modèles, rejetée dans les égouts. Au niveau environnemental, on ne fait que déplacer le problème. Mais c’est sûrement mieux de le déplacer que de le boire », énonce le spécialiste, pince-sans-rire.

Des purificateurs d’eau dans les écoles

Au sud de la vallée de la chimie, plusieurs communes ont eu recours à des systèmes de filtration pour les établissements scolaires. À Ternay, par exemple, les cantines des écoles sont équipées de filtres à charbon actif mais les enfants n’ont pas accès à l’eau toute la journée. « Si notre fille a toujours sa gourde d’eau filtrée dans son sac, les enfants ont plus de mal à maîtriser l’eau qu’ils boivent. On aimerait que l’école soit aussi équipée, en plus de la cantine.»

En revanche, à Brindas, malgré les demandes des parents d’élèves, les écoles ne bénéficient pas d’une telle installation. « C’est quelque chose qu’on aurait souhaité. En attendant, on donne des bouteilles d’eau filtrée avec des bâtonnets à charbon actif à nos enfants pour leur journée », indique Chloé Dieleman, 40 ans. Mais ces bâtonnets sont « très peu efficaces » pour éliminer les polluants éternels, selon le professeur Sauvé. Conscient de ces limites, le couple réfléchit à investir dans un système plus optimal. Contacté, le maire de la commune, Frédéric Jean (Divers droite), n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Pour tenter de rétablir la conformité de l’eau, le syndicat syndicat intercommunal de distribution d’eau du Sud Ouest Lyonnais (Sidesol) a pris les choses en main, avec l’aide de la métropole.

L’eau du Garon, qui se jette dans le Rhône à la hauteur du Port pétrolier de Givors, est polluée aux Pfas. Avant mai 2024, 70 % du volume d’eau distribué par Sidesol provenait de cette nappe. Marie Provot / Lyon 2030

« Une interconnexion avec le réseau d’Eau Publique du Grand Lyon [la Métropole] alimenté par le champ captant de Crépieux-Charmy, moins pollué, assure la dilution de notre ressource habituelle [eau du Garon et du champ captant de Ternay] depuis mai 2024 au niveau de Saint-Genis-Laval », expose Jullien Daniel, le président du syndicat, qui approvisionne 13 communes, dont Brindas. Cette solution « temporaire » permet de maintenir, la plupart du temps, le taux de concentration pour 20 PFAS recherchés en dessous du seuil réglementaire de 100 nanogrammes par litre. 

« Nous avons notamment financé cette interconnexion pour soulager le champ de captage de Ternay et réaliser les travaux de mise en conformité », précise l’élue métropolitaine, Anne Grosperrin.

« Des milliers de PFAS dans l’environnement »

Sur l’usine de Ternay, des travaux sont actuellement en cours pour rétablir un taux de concentration respectant la norme européenne. Ce chantier, réalisé avec le Syndicat mixte d’eau potable Rhône-Sud en partenariat avec Suez, a été inauguré début avril 2025. 

Avec l’installation de « six filtres à flux descendant », l’eau devrait être conforme « d’ici avril 2026 », promet le président du syndicat mixte d’eau potable Rhône-Sud, Guy Martinet, qui s’engage à publier les résultats des analyses à l’issue des travaux pour rassurer la population. Cette technologie, brevetée par la multinationale, doit permettre de renouveler le charbon sans arrêter la production d’eau. Cet investissement de 4,4 millions d’euros, financé par l’agence de l’eau et par emprunt, devrait être répercuté sur le prix de l’eau à moyen terme.  

« Il y a des milliers de PFAS présents dans l’environnement et dans notre eau potable, mais on réalise des analyses pour une infime partie », confie Aurélien Culat qui n’imagine pas se séparer de sa Berkey lorsque le chantier sera terminé. Une réflexion partagée par la plupart des habitants et commerçants qui ont investi dans une solution pour purifier leur eau. 

La directive européenne établie en 2020, et obligatoire en France dès 2026, encadre les 20 PFAS jugés les plus dangereux pour la santé et l’environnement. « Insuffisant » pour la toxicologue Pauline Cervan, qui pointe l’absence des TFA dans cette norme tandis que l’Union européenne envisage leur classification comme toxique pour la reproduction, très persistant et très mobile.

Même son de cloche chez Cyrille Vallet, un représentant des usagers de l’eau au sein de l’Assemblée citoyenne de la métropole de Lyon. « Il existe plus de 10 000 PFAS et on n’en cherche qu’une vingtaine. C’est sûr que si l’on ne cherche pas, il n’y a pas de problème. »

Marie Provot

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